Une autre guerre pour Philippe Claudel

Tout en tours et détours, le nouveau roman de Philippe Claudel aborde une autre guerre : dans "les âmes grises" il évoquait 14, cette fois c'est 39-45, mais toujours à sa manière. Jamais les noms ne sont cités, ni l'époque ; l'action se déroule dans un village dont on peut supposer qu'il se situe à la frontière franco-allemande (le dialecte utilisé est révélateur). Dans ce village arrive un "Anderer", un étranger aux moeurs et vêtures différentes, tellement. Dès le début du récit, oeuvre de Brodeck, on comprend que cet "autre" a été assassiné. Pour qui ? Pourquoi ? Brodeck doit rédiger, à la demande comminatoire des notables du village, un rapport ... pour justifier. Justifier l'innommable, l'indicible, le terrible. Alors pour survivre et aussi pour se retrouver, lui qui a subi les affres de la xénophobie, il se met à écrire son propre rapport et nous cheminons dans la mémoire de Brodeck qui raconte ce village étroit et coupé du monde, ses bassesses, ses critères ; il nous fait revivre aussi la folie des hommes, leur acharnement à détruire quand la force et le nombre leur confèrent un pouvoir aussi féroce que vain.

L'écriture de Claudel nous enveloppe de métaphores qui allègent son propos, le rendant heureusement supportable, et son hommage à la nature nous offre un contrepoint saisissant.

Il faut lire ce roman en ces temps où la barbarie, jamais disparue, renaît, plus active que jamais.

Comments

[ptitlapin]

Magnifique roman qui bouleverse, qui remue, qui ravage le coeur.