Unis envers et contre tout pessimisme
Un premier roman magistral, qui se lit dans un seul élan ; pourtant il faut manger, travailler, dormir, mais ces sept cent cinquante pages vous attirent plus qu'un aimant.
Le jeune Michel, douze ans en 1959, profite de Paris avec délectation ; seul problème, le lycée Henri IV (H IV pour les initiés), car il faut travailler et lui préfère lire. Il a mis au point une technique, bénie du dieu des lecteurs, grâce à laquelle il peut lire en classe, lire sur le trottoir, lire en traversant les rues etc... sans jamais rencontrer d'obstacles, sauf ... . Surtout nous découvrons sa famille, cocktail explosif entre deux clans : côté maternel, bon chic, bon teint, commerçants poujadistes ou quasi, côté paternel, vieille dynastie communiste, le tout se déroulant sur fond de guerre d'Algérie, qui d'ailleurs en est encore au stade d'événements. Enfin, Michel fréquente non seulement la bibliothèque de son quartier, mais aussi un café, le Balto, tenu par d'authentiques auvergnats dans l'arrière salle duquel se réunissent des individus particuliers : des réfugiés politiques (avec ou plus souvent sans papiers), fuyant les pays de l'Est : Roumanie, U.R.S.S., Pologne ... Ils ont pour eux d'être devenus optimistes, c'est bien le moins après être revenus de là-bas, avoir tout perdu, tout souffert y compris la peur de la mort, et foin des secrets de chacun, ils ont érigé des règles tacites ; dans leur club on parle français et on joue aux échecs. Sont admis quelques français et non des moindres : Sartre et Kessel. Michel y vivra un véritable apprentissage de la vie avec ses attachements, ses amitiés indéfectibles, ses trahisons aussi.
Jean Michel Guenassia nous emmène ainsi sur les traces de Michel pendant toute la durée de cette drôle de guerre, nous captivant des découvertes de son jeune narrateur, nous racontant des histoires dans l'histoire sur fond d'Histoire. Il nous fait revivre cette époque pas si lointaine mais tellement différente de l'actuelle comme si nous l'avions tous vécue. Dithyrambe me direz-vous, oui, certainement car ce roman est une prouesse de maîtrise, d'intérêt, de bonheur de lecture.