Déshumanisation

Troisième livre de la sélection française du Prix Page des Libraires

"Nous étions des êtres vivants" (Nathlie Kuperman - Editions Gallimard)

"Nous avons une conscience soudaine et cauchemardesque de la précarité de nos existences dans l'entreprise.On nous a annoncé, par chefs interposés, un plan de restructuration qui impliquera des licenciements. Neuf départs demain, et neuf seulement pour éviter le plan social qui se déclenche à partir de dix, ce qui oblige l'employeur à quelques ajustements pour protéger les salariés licenciés. Nous comprenons que dans trois mois, pour respecter le délai légal, une grappe de neuf autres personnes sera désignée. Un journal qui était tenu par un rédacteur en chef, un secrétaire de rédaction et un maquettiste sera "managé" dans son ensemble par un chef de projet chargé d'"externaliser" les tâches. Les journaux deviendront des produits au même titre que des yaourts."

Ce paragraphe donne le ton du roman de Nathalie Kuperman : il s'agit du démantèlement d'une société de presse, rachetée par un homme d'affaires qui souscrit pleinement aux méthodes managériales actuelles. L'originalité du roman tient dans cette succession de points de vue de plusieurs protagonistes clefs de l'entreprise, ponctuée de celui du "choeur" : l'ensemble des salariés s'exprime par cette voie, un peu à la manière du choeur antique. Nous suivons aisément l'évolution des comportements et la détérioration des sentiments et caractères qu'induit un tel management. La peur du licenciement, les disparités individuelles qui s'exarcerbent, la suspicion, les arrangements avec sa conscience que chacun négocie au plus profond de soi ... L'auteur réussit dans ce roman une belle analyse de notre société décadente et délétère.

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