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12 janvier 2007

La dernière sonate

Tout d'abord, bonne année à tous. Je m'aperçois avec retard que je n'ai pas encore présenté mes voeux. Mea culpa ! Que cette année 2007 qui s'annonce tellement mouvementée politiquement et socialement, vous apporte mult lectures qui vous permettront de prendre de la distance, de vous évader, de réfléchir autrement, de profiter.

SONATE_HIVER

La dernière sonate de l'hiver de Béatrice Wilmos m'est arrivée en décembre sous forme d'épreuves afin que je rédige (si ce roman me plaisait) un article pour le Page des libraires. Oui, ce  premier roman m'a plu, c'est même un coup de coeur. Formidable métier qui me permet de découvrir en avant-première les textes qui vous raviront bientôt et de l'écrire et le dire. Il raconte une enquête mélomane, menée par un écrivain chargé d'écrire une biographie d'un pianiste russe virtuose disparu pendant le siège de Léningrad. S'en suivent des rencontres avec des témoins de cette époque terrible cinquante ans après. L'auteur nous emmène à Berlin et en Russie en 1942 - 1943, nous faisant ainsi découvrir autrement cette guerre où les civils berlinois et les soldats russes prisonniers cohabitent. La musique, le froid, l'hiver, la guerre, la peur, le manque terrible de nourriture et de chauffage, le désastre de ces années fatales tout revient au fur et à mesure de cette quête au cours de laquelle les secrets peu à peu se dévoilent. Nous nous laissons alors emporter par l'empathie de cet écrivain-enquêteur.

" Le lendemain, assis à la table d'un café, à la lisière de l'ancien secteur soviétique, en attendant de retrouver Thomas, je note, comme des traits de fusain jetés sur un album de croquis, mes impressions de Berlin. Le quartier où je me trouve est à l'Est. Plus rien à voir avec les larges avenues et les immeubles imposants du Kurfürstendamm. Les rues sont étroites avec des trottoirs défoncés et des pavés disjoints. Des maisons sont criblés d'impacts de balles. Des lierres fanés et d'autres plantes grimpantes que je n'identifie pas s'entremêlent autour des fenêtres. Le crépi s'écaille par larges plaques, découvrant des moellons effrités.

Comment voir la ville autrement qu'à travers la souffrance qu'elle hébergeait il y a cinquante ans ?

Dans les rues que je remonte lentement, alors que le jour trop court de novembre commence à décliner, le passé me paraît d'une réalité si intense qu'elle en est douloureuse. Je ne vois que les cicatrices et les coups d'oeil furtifs des vieilles personnes, les lézardes dans les murs et l'abandon des cours. Dans l'une d'elles, le soupirail d'une cave entouré d'un cadre de briques s'ouvre comme une bouche sombre, la porte métallique bat sur des gonds à moitié arrachés, derrière lesquels dévalent des marches inégales. (...)

Est-ce le ciel couvert qui brouille toute perspective ? Ici, le malheur d'Ivo Vagano, travailleur forcé à Berlin, est palpable. Il se dépose sur moi comme la bruine qui mouille mon manteau et mes cheveux. Je longe les enfilades d'immeubles couverts d'un ciment brun et gris, et je sais - j'imagine - qu'il y a cinquante ans, le Russe remontait cette même rue bombardée, dans sa veste matelassée en loques, avec le commando des ruines."

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