La rumeur du monde
L'hyperacousie, un don, un calvaire, une rareté : la faculté d'entendre les bruits les plus infimes, l'abominable tohu-bohu qui s'ensuit, qui rend la vie quotidienne extrêmement douloureuse et contraint à se réfugier dans la solitude en quête d'un improbable mais merveilleux silence.
Cette jolie fable raconte la rencontre entre Jodel, ingénieur "en" son (!) cinquantenaire, qui se protège de la vie et une petite Jeanne à l'ouïe si fine en laquelle il se reconnaît ; Jodel entreprend alors de rassurer Jeanne, de lui apprendre la "grande écoute", celle qui permet de discriminer les bruits et qui a fait de lui un collaborateur de la police scientifique. Tous les soirs ces deux là se retrouvent quand Jeanne sort de l'école et se réfugient dans une clairière proche pour pratiquer cette écoute si précise, si belle et riche à la fois. Leur amitié s'installe, faite de la spontanéité des questions de Jeanne, de ses jugements parfois abrupts aussi, et du calme et de la sérénité que ces moments privilégiés apportent à Jodel.
Mais la vie reprend le dessus, et une autre rencontre, infiniment plus dérangeante celle-là se produit qui va conduire nos amis à s'impliquer dans ce monde cacophoniaque que Jodel fuit ; la vie sociale le rattrape, Jeanne et sa mère qu'elle lui a présentée entre temps imposent un autre rythme, la politique, les vicissitudes de notre siècle s'imposent malgré lui et l'histoire se déroule, rythmée comme un pantoum, ramenant Jodel dans son siècle, de nouveau ouvert à la vie et acceptant le désordre de la rumeur du monde.
C'est une belle fable contemporaine que Belinda Cannone nous offre, dans une langue aussi riche que les sons qu'elle suggère au fil des pages, nous donnant à entendre la luxuriante diversité de notre époque.