PREMONITOIRE ? !
Hier je commence à lire le nouveau "Mordillat". Le soir aux informations, j'entends (pas en première position !) un reportage à propos de Arcilor, une entreprise de métallurgie en Lorraine qui avait été "rapprochée" il y a moins de deux ans par un géant de la sidérurgie indienne. Incursion de la réalité dans la fiction : c'est exactement le sujet de "Notre part des ténèbres". J'écoute alors avec une attention accrue la chronique des licenciements annoncés avec l'incontournable jeu des plans de reconversion, le reclassement sur d'autres sites (si possibles bien éloignés des habitations que les employés s'acharnent à payer), le sabir habituel des faiseurs d'argent au détriment de l'humain.
Oui, prémonitoire Mordillat, ô combien ; juste dans chacune de ses phrases, de ses comptes rendus des discussions entre patrons et employés, entre patrons et financiers, entre patrons et repreneurs-futur lacheurs, entre patrons et politiques, pire entre politiques et employés ! Les personnages sont immédiatement présents, les explications techniques jamais longues, toujours pertinentes, dignes d'un économiste politique chevronné, le lecteur se sent en empathie, enfin capable de décrypter ces strates des affaires, le monde des média, la politique aux ordres du Medef, l'indifférence et la rapacité des décideurs financiers.
Un grand talent, Monsieur Mordillat, une grande bouffée d'allégresse à vous lire, un sentiment de reconnaissance en lisant ce que, nombreux, nous pensons, disons entre nous, mais n'avons que rarement le plaisir de le lire "en vrai" ; et en prime, l'incoercible rêve que se réalise un jour ce coup de force d'un détournement de riches !
Petit rappel : si vous ne l'avez déjà lu, précipitez-vous :