A lire, décidément !
J'ai découvert Abdennour Bidar lors de l'émission sur la 5 le dimanche matin, le bateau livre. Son intervention m'avait vivement intéressée et je me suis donc empressée de lire son texte "non conforme". Je n'ai pas été déçue. En ces temps où le leitmotiv de l'insécurité due à l'Islam revient comme antienne, il importe de découvrir ce récit. L'écriture de Abdennour Bidar est fluide, intelligente, et son témoignage, très déroutant et important. Philosophe, loin des interventions médiatiques à la petite semaine, véritable enseignant, engagé avec la volonté de convaincre, persuader pour une cause qui dépasse les clichés de la religion, du communautarisme, ses propos m'ont apporté matière à réflexion, questionnement et analyse parce qu'il fait la part belle à l'intelligence et à l'humanité.
" L'humanisme, culte de la grandeur de l'homme. Depuis l'Antiquité grecque et le monothéisme juif, chrétien, musulman, jusqu'aux Lumières du XVIIIème siècle, en passant par la Renaissance, c'est la seule gloire que notre civilisation a proclamée : celle de l'homme, qu'il soit Ulysse aux mille tours, Prométhée volant le feu aux dieux, Jésus mort et ressuscité, puis, dans les Temps Modernes, surhomme "maître et possesseur de la Nature" régnant sur elle grâce à la puissance sans limite de ses machines.
L'homme, l'homme et encore l'homme. Divinisation de l'humain propre à l'Occident, homme déifié depuis les premières heures de notre histoire comme "Fils de Dieu", jusqu'à sa sacralisation moderne à travers la proclamation de ses droits inviolables. Nous avons toujours cru en l'homme et nous pensions que sa gloire allait continuer infiniment de s'étendre, sans jamais rencontrer de limites. Rien n'avait jusque-là durablement ébranlé cette espérance humaniste. La civilisation avait obstinément continué d'avancer dans son sens malgré le mal fait à l'homme au cours des siècles, certaine d'abattre un par un tous les obstacles à notre dignité, aussi bien la misère, la violence, l'injustice, la maladie que peut-être même la mort, dont notre science un jour vaincrait la malédiction.
Cette foi plurimillénaire en l'homme s'était d'ailleurs beaucoup transformée, depuis son origine religieuse exaltant l'homme comme "image de Dieu" jusqu'à sa version scientifique imaginant un être humain doué d'une Raison tellement puissante qu'elle lui permettrait de percer tous les mystères de l'univers. Mais sous des formes diverses, elle avait perduré jusqu'au XXème siècle. C'est seulement alors que, soudain, elle a été brisée net. Brutalement, " les Lumières se sont éteintes". Effondrement de toutes les espérances d'un progrès humain infini, accumulées par les siècles et promises par ce fameux siècle des Lumières où l'on avait écrit la première version des Droits de l'homme, rendant la dignité de sa personne inviolable. Tout cela venait tout à coup d'être anéanti, détruit, complètement dispersé."